+5 Questions à Patrick Caloz

Pour vous guider un peu plus dans cette technique bien particulière du Sténopé, notre invité du jour est Patrick Caloz qui connaît très bien cette technique. Je vous conseille d’ailleurs son site stenopes.com.

Pouvez-vous nous expliquer comment vous utilisez la technique du Sténopé ?

Patrick : Avant de partir sur le terrain, il suffit de s’équiper d’un petit trépied et d’un posemètre…mais surtout de temps et de patience.

Le trou est tellement petit qu’il ne laisse rentrer dans la boîte que très peu de lumière. Une prise de vue prend donc en principe
beaucoup de temps. Souvent, pour l’augmenter, je choisis un film lent (50 iso) N/B. Les effets du « temps qui passe » seront d’autant plus présents. Pour les techniciens, je règle le posemètre sur 6 iso à f/90. Les temps de pose s’échelonnent en principe entre 4 secondes en plein soleil et 2 minutes par temps couvert. Mais si le jour s’obscurcit, ou à l’intérieur, en forêt par exemple, il m’arrive de rester une heure au même endroit pour faire une photo.

Mais pourquoi une telle différence de temps de pose entre l’ombre et la lumière? Il s’agit de l’effet Schwarzchild. Plus longtemps le film est exposé, moins il devient sensible à la lumière et une fois les 30 secondes dépassées, il faut déjà multiplier par 4 le temps indiqué par le posemètre.

Me voilà donc sur le terrain, mon appareil posé sur mon trépied. Pour le cadrage je choisis un premier plan intéressant et ensuite je pose mon regard juste au-dessus de l’arrête supérieure de ma boîte pour vérifier si les horizontales sont adéquates et sur l’arrête
gauche si les verticales sont respectées.

Tout est prêt, je pousse la languette pour dégager le trou et la magie peut commencer. Il me plait souvent à dire que durant le temps d’exposition du film, je m’expose aussi avec délectation à tout ce qui vit autour de moi : l’eau qui coule, le bruit des vagues, le rire des enfants, les gens qui se promènent, les feuilles qui s’agitent sous une petite brise… Alors, sur le film, tout se qui est en mouvement se transforme en fantôme ou même disparaît. L’eau devient brouillard, les nuages deviennent des trainées de fumée blanche. Tout ce qui est fixe gagne soudain en noblesse. Le temps se transforme en long fleuve tranquille!

A la fin du temps de pose, je ferme le trou et la magie s’arrête…pour l’instant. Je tourne la molette jusqu’à la pose no 2. Je continue ma ballade, tous mes sens éveillés…je suis à la recherche de premiers plans intéressants, de mouvements. Je guette les nuages dans le ciel.En voilà trois qui s’approchent rapidement. Leur approche des montagnes me semble intéressante. L’occasion de saisir leurs ballets dans ce magnifique décor…Je prends position, ouvre le trou et profite de cette ambiance. J’imagine déjà quelle va être la trace laissée sur le film.

Le trou est fermé, je n’ai fait que deux images ce jour-là…elles sont dans ma boîte…j’ai cru la magie stoppée…et bien elle continue
encore. Tous les mystères de ces instants sont enfermés tel le génie dans la lampe d’Aladdin…Quelles surprises m’attendent?

Je fais parfois plusieurs sorties pour pouvoir enfin libérer ces images et leurs secrets dans la chambre noire ou la magie continuera…

Shamir : Merci beaucoup pour cet éclairage sur cette technique bien particulière (et très abordable) avec tous les membres de la communauté. Je vous invite maintenant à reprendre une interview un peu plus traditionnel sur ce blog avec les 5 questions classiques.

1. Je sais que cette question est difficile mais si vous ne deviez conserver qu’un seul appareil photo, ce serait lequel ?

Patrick : Sans hésiter ce serait ma boîte zeroimage, pour le temps qu’elle me laisse et pour le rendu de ses images.

2. Une autre question difficile (peut être)? Dites nous quelles sont vos photos préférées sur Flickr et pourquoi vous les appréciez.
On démarre par votre galerie..?

Patrick : D’abord une image de montagne, où j’ai passé mon enfance. J’aime ces herbes jaunies par le soleil qui se balancent sous une brise légère. A chaque fois que je la regarde, elle me rappelle des moments de farniente si agréables.

Une image de Berlin ensuite, prise lors de mon dernier périple dans une ville d’Europe en novembre 2008. Pour moi cette image symbolise bien ce que j’ai pu ressentir dans cette ville, la présence de la nature et de l’eau, ainsi que le contraste entre l’ancien et le moderne.

Moabit Electrische Fabrik

Et maintenant les photos des autres membres Flickr ?

J’apprécie particulièrement les images d’un autre sténopiste, pour son approche poétique :

The Choice

Il y aussi les extraordinaires images de Vagabond,en particulier celle des nues dans son album Matchbox Pinhole.

Pour finir et changer de technique, je suis toujours impressionné par le regard de Felix Lupa.

Street photography

3. Quel conseil donneriez vous à quelqu’un qui débute dans la photographie ?

Patrick : De ne pas se contenter de rester debout sur place pour déclencher, mais au contraire de bouger et de changer de position.
Par ailleurs il est aussi formateur d’interroger les images des autres…

4. Lorsque nous interviewons des candidats chez Flickr, nous leurs posons systématiquement cette question un peu spéciale : chatons, bébé, sunset ou fleurs? Choisissez un thème.

Patrick : En ce moment, ce sera “fleur” en noir et blanc.

5. Selon vous à quel autre membre Flickr devrions nous poser cette série de 5 questions ?

Patrick : Sans hésiter à monsieur-trucnul pour son regard affuté, capable d’aller chercher l’exceptionnel dans les choses anodines.